La scène politique ivoirienne, ces dernières années, offre un spectacle aussi déroutant que révélateur. Derrière les discours officiels et les postures institutionnelles se cache une réalité bien plus fragile : celle d’une communication politique souvent improvisée, émotionnelle, parfois même contre-productive. Des séquences devenues virales sur les réseaux sociaux exposent chaque jour l’amateurisme de figures publiques pourtant investies des plus hautes responsabilités. Ce malaise, palpable dans la sphère publique, n’est pas anodin. Il est symptomatique d’un manque structurel de professionnalisation dans la manière dont les acteurs politiques conçoivent et gèrent leur image.
Prenons le cas de Charles Blé Goudé, ancien leader de la galaxie patriotique, revenu en Côte d’Ivoire après son acquittement par la CPI. Alors qu’il tente de se repositionner sur l’échiquier politique national, ses moindres propos sont scrutés, moqués, et instrumentalisés par des cyber militants pro-Gbagbo et pro-Soro. Une vidéo mal montée, une phrase mal interprétée, et voilà son image décrédibilisée auprès de certains segments de l’opinion. Son cas illustre à quel point la communication politique, lorsqu’elle n’est pas stratégiquement maîtrisée, devient un champ de mines.
Autre exemple révélateur : la ministre de la Solidarité, Myss Belmonde Dogo, prise au dépourvu lors d’une émission sur Life TV, où ses propos sur la pauvreté et l’insertion socio-professionnelle ont été largement perçus comme déconnectés de la réalité. Nombreux sont ceux qui lui reprochent un ton trop familier, voire désinvolte, en total décalage avec la gravité des sujets abordés. Un avis que je partage pleinement : s’écrier sur un plateau télé, face caméra, “Oh ils mentent ! Je dis, ils mentent !” relève moins de la pédagogie ministérielle que du coup de sang improvisé - un exemple flagrant de manque de media training.
Cette sortie a immédiatement déclenché une tempête médiatique en ligne. Elle rappelle avec force que l’espace médiatique n’est plus un lieu informel : chaque mot, chaque intonation, chaque mimique est capté, isolé, commenté, amplifié… et souvent détourné. En 2025, une telle erreur ne disparaît pas dans le vent : elle reste, elle circule, et elle marque.
Même le président Alassane Ouattara, pourtant entouré d’une machine étatique bien huilée, n’échappe pas à cette nouvelle réalité. Ses discours, souvent solennels, sont régulièrement déconstruits sur les réseaux sociaux, où ressortent des extraits de déclarations antérieures - notamment ses promesses de ne pas briguer un troisième mandat - pour alimenter le soupçon, voire la moquerie. La mémoire numérique est impitoyable, et elle constitue aujourd’hui une forme de contre-pouvoir redoutable, surtout lorsque le récit politique officiel peine à s’ajuster aux attentes citoyennes.
Dans ce contexte, le défaut de préparation, l’absence de stratégie narrative cohérente, ou encore le manque de media training deviennent de véritables handicaps. Comme le rappelle Dominique Wolton, « la communication politique ne conduit pas à subordonner la politique à la communication, mais, au contraire, à la rendre possible dans la démocratie de masse » (Wolton, 1989). Cette affirmation souligne que la communication n’est pas un simple habillage, mais une composante essentielle du fonctionnement démocratique. Elle participe à la légitimation ou à la délégitimation des discours, selon qu’elle soit bien pensée ou maladroitement exécutée.
Cette réalité est d’autant plus manifeste dans les sociétés contemporaines - notamment en Afrique - où les réseaux sociaux ont transformé la circulation de la parole politique. Comme le note Pierre Rosanvallon, « les nouvelles technologies de l’interaction directe ont bouleversé les médiations traditionnelles de l’espace public », donnant naissance à une démocratie de la visibilité où la performance discursive prime autant que le fond (Rosanvallon, 2020, Le siècle du populisme). Dans ce nouveau régime de communication, les élites politiques perdent le monopole du récit, exposées en permanence à la réaction immédiate d’un public connecté et critique.
Face à ce constat, une question s’impose : peut-on continuer à faire de la politique comme on le faisait avant l’ère du numérique ? Manifestement non. Et c’est pourquoi la professionnalisation de la communication politique en Côte d’Ivoire ne doit plus être considérée comme un luxe, mais comme une exigence stratégique, démocratique et éthique.
I. Les symptômes d’une communication politique à la dérive
Il ne s’agit pas ici de pointer des erreurs ponctuelles, mais de dresser un constat structurel : en Côte d’Ivoire, la communication politique n’est pas pensée comme une discipline stratégique, mais souvent vécue comme un simple accessoire du pouvoir ou, pire, comme un exercice improvisé. Le résultat : une scène politique marquée par des prises de parole désastreuses, des séquences incontrôlées, des règlements de comptes mal camouflés et un discrédit croissant de la parole publique.
Au sommet de l’État comme dans les cercles ministériels, les prises de parole médiatiques sont trop souvent livrées à elles-mêmes, sans préparation sérieuse, sans coaching, sans validation du récit. Le cas récent de Myss Belmonde Dogo, déjà évoqué en introduction, n’est pas isolé. À plusieurs reprises, le ministre de la Communication Amadou Coulibaly, par ailleurs porte-parole du gouvernement, a lui aussi suscité des polémiques par des réponses évasives, parfois condescendantes, données aux journalistes ou au public. Ces maladresses nuisent à la crédibilité de l'exécutif, et offrent à l’opposition et aux internautes des munitions précieuses.
Dans l’opposition, le syndrome de l’improvisation n’est pas moins frappant. Des personnalités comme Michel Gbagbo ou Georges Armand Ouégnin alternent entre silences stratégiques et sorties mal calibrées, souvent parasitées par des éléments de langage confus ou désuets. Le message politique se dilue, et avec lui, l’impact de leurs positions. L’absence de ligne narrative claire empêche la constitution d’un imaginaire politique fort, élément pourtant essentiel pour mobiliser les masses.
Dans cet espace flou laissé par l’amateurisme des professionnels, les cyberactivistes occupent désormais une place centrale dans la structuration du discours politique. Que ce soit dans le camp Soro, Gbagbo, Ouattara ou Blé Goudé, des figures comme Chris Yapi, Souley de Paris, Gbagbo Koné, Ladji Chérif, Johnny Pacheco, Zigui, Benito etc., façonnent l'opinion en temps réel. Ils décryptent, ridiculisent, réinterprètent les discours des leaders, souvent avec plus d’efficacité virale que les organes officiels.
Ce phénomène, que certains politologues décrivent comme une « désintermédiation du discours politique » (Cardon, 2010), signifie que les hommes politiques ne contrôlent plus la narration publique. Le champ symbolique leur échappe au profit d’acteurs non institutionnels, souvent anonymes, mais puissamment connectés. Or, dans un tel contexte, toute approximation, tout discours flou ou arrogant, est immédiatement recadré, détourné, moqué ou laminé.
Ce qui frappe dans la plupart des sorties politiques en Côte d’Ivoire, c’est l’absence de stratégie de communication intégrée. Les ministères publient des communiqués qui se contredisent, les leaders politiques réagissent à chaud, souvent en direct sur les réseaux sociaux, sans coordination. Pire encore, certaines interventions semblent dictées par l’émotion ou le ressentiment personnel, et non par une logique de gouvernance ou d’intérêt général.
Comme le souligne Philippe J. Maarek (2019), la communication politique moderne repose sur « une démarche globale de conception, de rationalisation et d’accomplissement ». Autrement dit, la parole politique ne peut plus se passer d’un dispositif d’anticipation, de test et de scénarisation. Elle doit être pensée en amont, structurée, et adaptée aux codes d’un espace public désormais instantané, interactif et impitoyable. En Côte d’Ivoire, cette culture manque cruellement. On parle, on poste, on tweete, comme si la politique se jouait dans une cour de récréation. Ce style relâché, parfois assumé, conforte malheureusement une image peu sérieuse de la politique auprès des citoyens.
Quand le discours politique devient fluctuant, erratique, ou désinvolte, c’est l’ensemble de l’édifice démocratique qui vacille. Le peuple cesse de croire en la parole publique. Et lorsque cette parole devient risible, elle perd sa force d’entraînement, sa capacité à rassembler, à orienter, à inspirer.
Cette perte de légitimité discursive est préoccupante dans un pays qui, malgré ses avancées démocratiques, reste fragile sur le plan institutionnel. Comme le suggère Achille Mbembe (2000), le pouvoir ne se limite pas à son exercice institutionnel, mais repose aussi sur « sa capacité à se banaliser, à paraître comme allant de soi, comme inhérent à la condition sociale ». Cette idée souligne que la démocratie ne tient pas uniquement à la régularité des élections, mais aussi à la qualité symbolique, discursive et performative de ceux qui la gouvernent. Quand la parole publique devient creuse, cynique ou incohérente, ce n’est pas seulement un individu qui s’effondre, c’est l’horizon collectif qui se brouille. En Côte d’Ivoire, cet horizon semble aujourd’hui confus, éclaté, tiraillé entre calculs partisans et maladresses communicatives.
II. Les réseaux sociaux comme tribunal d'une époque qui ne pardonne plus
Si l’amateurisme communicationnel des élites politiques ivoiriennes pose déjà un problème en soi, le contexte numérique contemporain en décuple les effets. Aujourd’hui, chaque prise de parole publique est enregistrée, partagée, disséquée, recadrée et souvent tournée en dérision en quelques heures, parfois même en quelques minutes. Le tribunal de l’opinion ne dort jamais. Il fonctionne 24h/24, sans filtre, et sans indulgence.
Le cas du président Alassane Ouattara est emblématique. En août 2020, lorsqu’il annonce finalement sa candidature à un troisième mandat présidentiel, malgré des déclarations antérieures où il affirmait haut et fort qu’il ne se représenterait pas, les réseaux sociaux explosent. D’anciennes vidéos de ses engagements publics sont ressorties. On y voit un président ferme, presque solennel, jurant qu’il laissera la place à une nouvelle génération. Ces extraits circulent massivement sur TikTok, Twitter (X) et Facebook, accompagnés de commentaires acides, de montages ironiques, de hashtags accusateurs. La machine à mémoires numériques est cruelle.
Cette mécanique de réactivation du passé n’est pas propre à la Côte d’Ivoire. Dans une étude comparative, Chadwick et Stromer-Galley (2016) montrent que dans les démocraties contemporaines, la capacité des citoyens à mobiliser des archives numériques contre les figures d’autorité est devenue une forme de contre-pouvoir inédit une « mémopolitique participative » pourrait-on dire. En Afrique de l’Ouest, où la mémoire orale occupait historiquement une place centrale, cette bascule vers une mémoire numérisée, permanente et virale redéfinit le rapport entre les gouvernés et les gouvernants.
Sur Internet, la moindre hésitation verbale, la moindre mimique, le moindre lapsus peut être capté, extrait de son contexte et devenir viral. Lorsqu’en février 2025, Serey Doh, président du Conseil régional du Guémon et ministre délégué, remet publiquement en question la nationalité ivoirienne de Tidjane Thiam, l’effet est immédiat. Ses propos, jugés xénophobes, discriminatoires et attentatoires à l’unité nationale, déclenchent une vague d’indignation sur les réseaux sociaux, une plainte formelle auprès du procureur, et une tempête médiatique inédite. Cet épisode illustre parfaitement à quel point une prise de parole mal maîtrisée, même dans un cadre local, peut se transformer en crise nationale, affecter l’image d’un responsable politique, et raviver des tensions que l’on croyait endormies. Pourtant, une erreur de ce type dans un autre contexte aurait pu passer inaperçue. Mais à l’ère de YouTube Shorts, de Reels Instagram et de lives Facebook, chaque moment est une scène potentielle.
Or, cette exposition permanente impose un niveau de maîtrise de la parole publique qui est encore trop sous-estimé en Côte d’Ivoire. On n’est plus seulement jugé sur ses idées, mais sur sa manière de les incarner, de les formuler, de les « performer ». Comme le montre Pierre Rosanvallon (2020), la démocratie contemporaine est désormais aussi une démocratie de présence et de visibilité, où les citoyens évaluent la sincérité, l’intelligence et la cohérence de leurs dirigeants en temps réel.
En parallèle des cyberactivistes, une autre catégorie d’acteurs a pris une place inattendue dans l’écosystème politique : les humoristes, les influenceurs et les vidéastes populaires. Des figures comme Le Magnific, Agalawal, ou encore Observateur Ébène participent activement, par le biais du rire ou de la satire, à décrédibiliser certains discours politiques. Une phrase maladroite d’un ministre peut devenir une punchline reprise en boucle sur TikTok. Un lapsus d’un maire se transforme en remix musical.
Certes, on pourrait y voir une banalisation de la politique. Mais on y perçoit surtout une redistribution des canaux de légitimité. Désormais, ce ne sont plus uniquement les journalistes ou les partis qui disent ce qui est sérieux ou pertinent : ce sont les publics connectés, les communautés d’abonnés, les algorithmes. La politique devient virale, et la viralité impose sa propre logique : immédiateté, émotion, simplification.
L’enjeu n’est pas seulement réputationnel. Il est aussi politique, stratégique et institutionnel. Lorsqu’un leader politique perd la maîtrise de son image, il fragilise son autorité, mine son pouvoir de conviction, et expose son projet politique à la disqualification. Ce n’est plus simplement une erreur de communication : c’est une fragilité structurelle, qui affecte l’ensemble de sa capacité à gouverner.
Dans son livre The Politics of Crisis Communication (Coombs, 2014), le chercheur américain explique que la capacité à répondre aux attaques numériques, à gérer une crise d’image en ligne, est désormais aussi cruciale que la gestion d’un programme gouvernemental. En Côte d’Ivoire, rares sont les leaders capables d’une telle anticipation. Et ceux qui négligent cette nouvelle réalité courent à leur propre effacement, sous les applaudissements moqueurs d’un public qui ne rate rien.
III. Professionnaliser la politique est une urgence stratégique
Face à un environnement médiatique impitoyable, à une société hyperconnectée et à des citoyens de plus en plus critiques, la politique ivoirienne ne peut plus continuer à fonctionner comme au temps des déclarations radio lues en direct à la RTI. La politique d’aujourd’hui requiert des compétences, des outils, une stratégie. Et cela suppose un changement de paradigme : professionnaliser la communication politique n’est plus un luxe, mais une nécessité démocratique.
Longtemps, on a considéré en Côte d’Ivoire que faire de la politique relevait du charisme personnel, de la loyauté partisane ou de la capacité à mobiliser un fief électoral. La communication n'était qu'un accessoire, un "bonus". Mais le monde a changé. La politique, comme tout autre domaine, doit se professionnaliser, c’est-à-dire s’entourer d’experts, recourir à des méthodologies rigoureuses et former ses acteurs aux nouveaux enjeux de l’espace public.
Les pays qui ont su anticiper ces transformations ont intégré dans leur vie publique des profils variés : conseillers en stratégie, analystes de discours, spin doctors, consultants en image, ou encore coachs médias. En France, par exemple, les équipes de communication de Macron, Mélenchon ou Le Pen sont structurées autour de cellules numériques capables de produire, tester, diffuser et monitorer des contenus à haute vitesse. Même en Afrique, certains partis comme l’ANC en Afrique du Sud ou le NPP au Ghana investissent désormais dans des war rooms numériques dotées de compétences transversales en communication, data et sociologie politique.
Des outils concrets à mettre en œuvre : media training, storytelling, coaching
Parmi les leviers concrets d'une communication politique plus efficace, plusieurs dispositifs peuvent (et doivent) être déployés dès maintenant en Côte d’Ivoire :
Le media training, d’abord. Il ne s’agit pas d’apprendre à réciter un discours, mais de savoir gérer une interview, éviter les pièges rhétoriques, adapter son langage corporel, anticiper les questions sensibles et rebondir intelligemment.
L’analyse de discours. Chaque prise de parole devrait faire l’objet d’une préparation en amont : quel est le message central ? À qui s’adresse-t-il ? Quel est le ton à adopter ? Quels sont les mots-clés à éviter ? Quelle est la stratégie de storytelling ?
Le coaching en image publique. Une posture, un regard, un sourire mal maîtrisé peuvent trahir une arrogance perçue ou une insécurité disqualifiante. La communication non verbale représente, selon Mehrabian (1972), jusqu’à 55 % de l’effet global d’un message. Ignorer cela en 2025 est tout simplement suicidaire pour un(e) responsable politique.
Veille et gestion de crise numérique. Chaque leader devrait s’entourer d’une équipe capable de détecter les signaux faibles, anticiper les polémiques et réagir vite. Dans l’univers numérique, une réponse lente ou mal pensée peut suffire à déclencher une crise d’image durable.
La Côte d’Ivoire regorge de jeunes talents, de diplômés en communication, en marketing, en journalisme politique ou en sociologie, souvent contraints de s’exiler ou de se reconvertir. Pourquoi ne pas institutionnaliser la formation en communication politique, à travers des cycles spécialisés au sein des partis, des ONG ou des institutions publiques ?
Des initiatives concrètes existent déjà sur le continent. Par exemple, au Kenya, la Friedrich-Ebert-Stiftung organise le Political Leadership and Governance Programme (PLGP), qui forme de jeunes leaders politiques aux outils de gouvernance, de communication stratégique et de gestion de campagnes. Au Sénégal, des projets comme ceux menés par OSIWA ou Article 19 incluent des modules de media literacy pour renforcer l'esprit critique face aux contenus politiques en ligne. Enfin, en Afrique de l’Ouest, le National Democratic Institute (NDI) propose régulièrement des cycles de formation en leadership et communication politique à destination de jeunes candidats, militants et élus locaux. Ces dispositifs démontrent qu’il est possible d’ancrer une culture politique plus technique et moderne, sans renier les réalités locales.
Car professionnaliser ne veut pas dire imiter servilement les modèles occidentaux. Cela signifie adapter les outils, les grilles de lecture et les ressources humaines aux réalités ivoiriennes, tout en s’appuyant sur les standards internationaux de rigueur et d’efficacité.
Enfin, soyons clairs : professionnaliser la communication politique ne veut pas dire la rendre cynique. Il ne s’agit pas de vendre du vide ou de manipuler les foules. Il s’agit au contraire de clarifier les messages, responsabiliser les acteurs, et réconcilier les citoyens avec une parole publique crédible et cohérente. Car aujourd’hui, l'amateurisme abîme la confiance. Et la confiance est le socle de toute démocratie viable.
Comme l’analyse Bernard Miège (2000), la communication politique n’est pas un simple jeu d’images ou d’effets médiatiques, mais un espace de confrontation symbolique entre visions du monde. Elle mobilise des récits, des représentations, des figures - et c’est là que se joue une grande partie de la bataille pour la légitimité. Ce combat ne peut être mené à la légère : il exige méthode, intelligence stratégique et respect pour les citoyens, sans quoi il tourne à la manipulation ou au spectacle creux.
Conclusion
Gouverner, c’est aussi savoir s’entourer. En Côte d’Ivoire comme ailleurs, la parole politique ne peut plus être improvisée. À l’ère du numérique, chaque mot pèse, chaque maladresse se paye, et chaque faux pas peut être amplifié au point de nuire à une carrière, voire à une institution. Il ne suffit plus d’avoir été élu pour être légitime : encore faut-il être audible, crédible et cohérent dans l’espace public.
C’est pourquoi tout responsable politique - député, sénateur, maire, conseiller régional ou général - devrait impérativement disposer d’un cabinet digne de ce nom. Ce n’est pas un caprice. C’est une condition de bonne gouvernance et de performance démocratique.
Un cabinet politique structuré, même modeste, remplit des fonctions stratégiques essentielles :
Un(e) chargé(e) de communication, responsable de la préparation des prises de parole, des relations avec la presse, de la gestion des réseaux sociaux et de l’image publique de l’élu·e.
Un(e) conseiller(e) politique, qui accompagne la formulation des positions, veille à la cohérence idéologique du discours et anticipe les conséquences politiques de chaque déclaration.
Un(e) assistant(e) parlementaire ou administratif(ve), qui assure la veille juridique, l’agenda institutionnel, la rédaction des interventions ou motions.
Et parfois, un(e) conseiller(e) en relations citoyennes, chargé(e) de maintenir le lien de proximité avec les électeurs, d’analyser les attentes locales et de structurer la présence sur le terrain.
Ces fonctions ne sont pas réservées aux ministres ou aux présidents. Tout élu exerçant une fonction de représentation publique devrait se doter d’un minimum de soutien professionnel pour remplir son rôle avec sérieux. À défaut, il s’expose à naviguer à vue, à improviser, et à voir sa parole détournée ou disqualifiée dans l’arène publique.
Dans ce nouveau régime de visibilité, bien s’entourer n’est pas une option : c’est une responsabilité. Aussi, professionnaliser la politique, ce n’est pas l’élitiser. C’est la rendre plus efficace, plus crédible, plus responsable. Et cela commence par reconnaître que la communication n’est pas un décor, mais un outil de gouvernance. À ceux qui veulent exercer une fonction publique demain : soyez visibles, oui - mais soyez préparés.
Cardon, D. (2010). La démocratie Internet : Promesses et limites. Paris : Presses de Sciences Po.
Chadwick, A., & Stromer-Galley, J. (2016). Digital media, power, and democracy in parties and election campaigns: Party decline or party renewal? The International Journal of Press/Politics, 21(3), 283–293. https://doi.org/10.1177/1940161215622691
Coombs, W. T. (2014). Ongoing crisis communication: Planning, managing, and responding (4th ed.). Thousand Oaks, CA: SAGE Publications.
Maarek, P. J. (2019). Une communication politique 2.0 : Conception, rationalisation et accomplissement. Revue Communication, 36(2). https://journals.openedition.org/communication/5001
Mehrabian, A. (1972). Silent messages: Implicit communication of emotions and attitudes. Belmont, CA: Wadsworth Publishing Company.
Miège, B. (2000). Les industries du contenu face à l’ordre informationnel. Québec : Presses de l’Université du Québec.
Rosanvallon, P. (2020). Le siècle du populisme : Histoire, théorie, critique. Paris : Éditions du Seuil.
Wolton, D. (1989). La communication politique : Construction d’un modèle. Paris : CNRS Éditions.
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